Riskprojects1[1]Les DSI n’ont pas eu besoin de lire les rapports du Chaos Manor pour savoir que les projets sont toujours livrés en retard et jamais ou rarement en avance. Il sont en cela semblables aux voyages en avion ou en train pour lesquels l’expérience ne cesse de témoigner. C’est la conséquence d’une assymétrie des événements. Si nous mesurions ce retard, nous constaterions qu’un portefeuille de projets affichant deux mois de retard en moyenne, ne contiendrait pas ou peu de projets ayant un retard supérieur à 10 mois, mais contiendrait 30 projets avec un retard supérieur à 2 mois s’il avait une taille d’une centaine de projets.

De même, on constate que les budgets informatiques ont tendance à augmenter année après année. C’est inexorable tant que de nouveaux projets développeront de nouvelles fonctions qui devront être maintenues. Pour faire face à cette situation, les DSI ont installé un processus de gestion de portefeuille de projets : ils évaluent les projets selon plusieurs points de vue – technique, métier, risques, stratégie … – et établissent des priorités. Il en résulte que les projets de priorité basse sont reportés.

Passé quelque temps, les projets reportés s’empilent comme du sable et deviennent prioritaires. Ainsi, les budgets informatiques contiennent aussi des projets de faible priorité qui sont devenus prioritaires pour l’année budgétaire.

Finallement, les Directions métier considérent le processus de portefeuille de projets  comme un moyen de report au bénéfice de la Division IT. Celles-ci ne tiennent pas compte du fait qu’elles sont les principales sources des projets qui occasionnent la croissance du budget IT. En outre, si elles se plaingnent des coûts informatiques supplémentaires, si elles ne sont pas questionnés sur les gains espérés des projets pourtant mis sous leur responsabilité par les business case.

Quand un projet est retardé, les coûts augmentent généralement en proportion du temps. Ainsi le budget courant contient les dépenses en capital des projets passés en retard mais aussi leurs dépenses opérationnelles car ils ont déjà déployé des plates-formes.

Comme le budget courant contient le flot de projets passés retardés, il reste de moins en moins de place pour les nouveaux projets. Michel Volle a montré que la croissance est exponentielle. Les négociations avec les Directions métier deviennent alors de plus en plus difficiles. Les projets techniques sont examinés et souvent reportés ou refusés si ils ne présentent pas une forte économie de coûts ou une forte rentabilité. Il en va de même pour les composants techniques de projets métier qui ne semblent pas être nécessaire, même s’ils sont hautement souhaitables. Comment dans ces conditions construire une architecture ?

Il ressort que la planification et la budgétisation sont de véritables casse-têtes. Dans une telle situation, même les meilleurs CIO ne pouvent pas éviter d’être considérés comme cause de retards et cause de coûts. L’exécution difficile de la stratégie d’entreprise provient de la lourdeur de l’informatique que les DSI ne traitent pas (« trop lent, trop lourd, trop cher »). Cela a a conduit Directions IT divisions à rationaliser leurs opérations par l’adoption d’ITIL et l’orientation service qui les ont transformés en fournisseurs de services internes. Les applications informatiques sont clairement gérés comme provenant d’une demande des directions métier des entreprises.

Dans le même temps, les forces autour des Directions IT continuent d’évoluer : Les directions métier recherchent encore plus de réactivité, plus d’agilité et davantage d’autonomie pour les optimisations locales et les transformations. 2012 serait un point tournant. Le Cloud se développe poussé par le marché des PME. Il devient plus attrayant pour certaines applications non critiques des grandes entreprises. les Intégrateurs se sont transformés en offreurs de Business Process clé en main. Ils ont en capacité de traiter directement avec les Directions métier qui remettent en cause leur fournisseur interne. Pour les grandes opérations métier, la Direction informatique est déjà hors du coup, car les Directions métier sont devenus les principaux prescripteurs de solutions. Au final, il lui reste la maintenance des systèmes et certains projets technologiques touchant les systèmes de messagerie, les réseaux ou les infrastructures.

Les dés sont-ils déjà lancés et  la prévision de Gartner ne sera-t-elle qu’une estimation du facteur d’une tendance inexorable lorsqu’il dit: «En 2015, pour 35% des entreprises les dépenses IT seront gérés hors du budget de la Directions IT. Les DSI verront certains de leur budget actuel réaffectés tout simplement à d’autres secteurs de l’entreprise. Dans d’autres cas, les projets informatiques seront redéfinis comme des projets métier sous le contrôle de Directions métier de l’entreprise. »?

Si les technologies de l’information apparaissent de plus en plus intégrées dans le métier, l’inverse est également vrai. Les Directions métier voudraient être sures que la Direction informatique travaille principalement à leur bénéfice. Or, comme le métier est devenu de plus en plus complexe en raison de la personnalisation, de la concurrence, des coopérations industrielles, de l’intégration, … il est impératif qu’elles coordonnent leurs actions vis à vis de l’informatique. Pour s’en convaince, on peut par exemple lire le livre d’Yves Caseau.

La Direction informatique, pour sa part, devrait être plus orientée métier, avoir des collaborateurs pluricompétents, en informatique et sur le métier, elle devrait prendre de nouvelles responsabilités, par exemple celles de processus métier clefs en mains et/ou en superviser certains. Cela ne pourra se produire que dans un contexte favorable résultant d’une nouvelle vision coordonnée et de nouveaux liens établis avec l’informatique. Certains analystes Forrester qualifient cela de «changement copernicien» : un changement radical dans les mentalités des Directions Informatiques.

Pour déclencher ce changement, une nouvelle fonction de coordination s’avère cruciale : c’est l’architecture d’entreprise. Relevant de la Direction générale, elle est un appui pour faire sortir la gestion de portefeuille de projets hors du périmètre de la Direction Informatique et en faire le processus de base pour conduire les changements de l’entreprise. Elle installe les processus qui permette d’identifier et de qualifier les projets de changements candidats. Elle soutient le processus de décision et de mise en œuvre. Elle suit le bon fonctionnement.

S’il y a changement radical c’est que les projets ne sont plus des projets de développement de systèmes, mais ils agissent sur des processus métiers ou des aptitudes d’entreprises (capabilities). Les considérations principales sont métier, les projets sont gérés par l’ensemble de l’entreprise, le déploiement et la mise en œuvre sont planifiés en tenant compte des contraintes métier avant celles de nature technique, les objectifs des projets sont les objectifs de l’entreprise.

C’est un déplacement du centre de gravité de la conduite des changements de l’entreprise. Les décisions et la mise en oeuvre seront plus fluides si les acteurs contribuent en proportion de leurs enjeux. La DSI n’est plus un fournisseur de services internes qui exécute les commandes des métiers, mais un partenaire qui contribue positivement aux projets de l’entreprise. Par exemple, la dette technique qui ralentit le changement n’est pas seulement une question à traiter par le DSI, mais par l’entreprise dans son ensemble. Les risques liés aux projets font partie des risques d’entreprise et sont inclus dans le périmètre de la gestion des risques.

Ainsi, lorsque les projets sont en retard et que le planning d’exécution de la stratégie glisse, les priorités sont fixées en fonction des contraintes métier et la replanification se fait en conformité avec un meilleur équilibre des ressources. En 2012, contexte de crise, les entreprises sont plus fragiles, donc réussir le changement est devenu essentiel, voire vital. C’est tous les voeux que je forme pour 2012 à destination des entreprises: « réussir les changements »

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