cse_iconomieLa 3ème révolution industrielle est en marche, nous annonce Christian Saint-Etienne, s’appuyant pour cela sur les travaux de l’institut Xerfi dont il est un membre éminent. Le concept,  introduit  par Engels et par Toynbee, est  discuté, car il tient plus de l’histoire que de l’économie. Ainsi, Fernand Braudel pensait qu’on ne pouvait l’appliquer qu’au Royaume-Uni alors qu’Elie Cohen voit la 3ème révolution s’épuiser et se terminer bientôt, laissant la place à une 4ème.

Dès 1997, en précurseur à rebours de la pensée dominante qui n’y voyait qu’un élan conjoncturel du à l’avènement des Technologies de l’information et de la Communication (TIC),  Daniel Cohen avait identifié et décrit le phénomène dans son ouvrage sur la Richesse des Nations1 . Depuis,  une profonde réflexion a mené à considérer les révolutions industrielles comme des cycles d’innovations corrélées au sein de grappes (les clusters) ayant des impacts économiques reconnaissables, si l’on se réfère à W. Whitman Rostow, ou plus récemment à l’ouvrage  « Faire la course avec les machines » d’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee.

Aujourd’hui, on touche du bout des doigts les promesses de la voiture sans conducteur, de l’impression 3D, des thérapies géniques, et d’autres innovations dites de rupture. Tout le monde s’accorde à croire que nous sommes au bord de bouleversements considérables, et si certains émettent encore des doutes en objectant l’absence d’innovations énergétiques, Christian Saint-Etienne (CSE) se réfère au récent ouvrage de Rifkin :  « La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde », même s’il s’en démarque lorsqu’il reproche à l’auteur un diagnostic confondant causes et conséquences.

En tous cas, CSE nous convainc que, depuis l’année 1800, nous sommes bel et bien entrés dans une ère industrielle pendant laquelle le PIB mondial par habitant a été multiplié par 20 alors que pendant les 1800 ans précédents il n’avait été multiplié que par 2.

La 3ème révolution industrielle se distingue des précédentes par  :

  • la part importante des services dans la production puisque l’industrie produit des assemblages sophistiqués de biens et de services,
  • une production personnalisée puisque chaque combinaison de biens et de services doit être personnalisée
  • la robotisation puisque, pour être viable, la personnalisation nécessite d’automatiser des processus de production de plus en plus sophistiqués
  • une production collaborative à la géographie mondiale alors que les deux premières se sont cantonnées à la chaîne de valeur nationale.

La définition INSEE de l’industrie  doit être revue et corrigée pour couvrir toute activité à base de processus normalisés et informatisés. La banque, l’ingénierie, et la logistique y sont désormais incluses.

L’économie servicielle déploie autour des biens les  services qui permettent de mieux les utiliser, d’en tirer les meilleurs avantages dans des contextes d’utilisation variés. Comparée à une économie de production de biens, basée sur la consommation, qui, pour mieux fonctionner, a généré le concept d’obsolescence programmée,  l’économie servicielle, fondée sur l’utilisation, est durable car elle trouve intérêt à prolonger la vie des biens.

C’est une économie essentiellement métropolitaine, urbaine, où la facilité des échanges intangibles – idées, innovations, services – est un facteur clé de succès. Au fur et à mesure de son développement, elle va transformer notre contexte de vie et, créer de nouveaux emplois à concurrence des économies précédentes, à condition que l’on sache accompagner l’émergence des nouvelles compétences qu’elle requiert, par la formation des actifs. Ceci ne se produira pas grâce à un partage du travail, mais sera le résultat d’une dynamique par laquelle le travail des uns créera le travail des autres, car les travailleurs de cette économie seront des entrepreneurs.

Là où la production de biens s’effectuait en quasi monopole, renforçant la certitude et maîtrisant le risque, l’économie servicielle est baignée dans la concurrence oligopolistique  caractérisée par des basculements de marché brutaux. Elle est associée à l’incertitude et au risque. C’est une économie de fonds propres, nécessitant des investissements importants. Dans ce contexte, pour la financer, elle appelle l’émergence d’une nouvelle finance, basée sur des fonds de pensions capables de diversifier le risque et sur des « business angels » capables d’identifier les projets d’entreprise qui vaillent la peine de le courir.

Et la France dans tout cela, où en est-elle ? Bien qu’elle ait les meilleurs ingénieurs du monde, elle a du mal à prendre le train de cette économie.

  • Elle perd ses moyens de production et les services qu’elle a développés ne sont pas industriels.
  • Elle a du mal à passer d’une économie qui recherche des monopoles, des marchés protégés, à la concurrence oligopolistique.
  • Les grands groupes du CAC40 veulent préserver leur pré-carré, tandis que les PME trop fragiles, s’épuisent.
  • Elle est partie en guerre contre la finance, alors qu’elle soit l’adapter pour répondre aux enjeux de transformation qui se posent à elle.

Si la France est en retard, c’est que l’élite a commis une erreur stratégique en considérant que l’ère industrielle touchait à sa fin. Elle a misé sur une économie de services basée sur la consommation, en train de s’essouffler. Avait-elle fait le bon diagnostic qu’elle aurait développé une politique de l’offre permettant de lancer la transformation de l’appareil productif.

Pour CSE, le cas de la France n’est pas désespéré, il est encore temps de prendre les bonnes décisions, à condition qu’elles soient énergiques et mises en oeuvre sans tarder. Il présente dans les dernières pages son programme qui tend à pallier les points faibles identifiés précédemment.

Ce programme fait partie de sa plate-forme politique puisqu’il est candidat aux élections municipales de Paris dans le 11ème sous étiquette UDI.

Pour l’instant cette révolution industrielle demeure une promesse, devant nos yeux, à portée de main, que, malgré nos efforts, nous ne parvenons pas à saisir. Les innovations de rupture comme la voiture sans conducteur ou l’impression 3D tardent à montrer leur capacité à transformer nos vies, comme l’avaient fait les révolutions industrielles précédentes (voir sur ce blog : Pas d’innovations de rupture sans gains significatifs de productivité). Les pays émergents sont en pleine 2nde révolution industrielle, ils profitent à plein régime de la vague d’industrialisation, alors qu’il semble que les pays dit industrialisés sont restés sur la touche. La vision prospective de Rifkin est critiquée, car elle soulève autant de questions que les réponses qu’elle dit apporter.

CSE survole les conséquences sociales, l’accroissement des inégalités sociales, la transformation massives des travailleurs en entrepreneurs, la dimension mondiale et les mouvements de population qui vont s’en suivre.

Nous avons surement un nouveau monde à créer…

1 Richesse du monde, pauvretés des nations, Flammarion, Paris, 1997 (traduction MIT Press et en 12 langues)

 

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