Article paru le 7 septembre 2014 dans le Cercle des échos : Cercle

La majeure partie de la valeur des produits échangés sur les marchés est immatérielle. Avec Internet, le marketing connait une révolution. La révolution du marketing entraîne la révolution des entreprises basée sur l’automatisation et le Big Data. Les entreprises sont dans la tourmente, elles doivent se transformer. Cette transformation ne requiert pas uniquement des investissements, mais surtout une révolution managériale.

La majeure partie de la valeur des produits échangés sur les Marchés est immatérielle

Pour s’en convaincre queques constats :

  • La ballon officiel de la FIFA 2014 vaut 140 euros
    la valeur de la marque
  • Les produits sont des assemblages de biens et de services conçus pour procurer des effets utiles au consommateur (Moati)
  • L’individualisation de la demande est impliquée par l’entrée du subjectif dans la consommation : l’envie de consommer se voit régie par des variables socio psychologiques. (Moati)
  • On ne vend plus juste un produit manufacturé mais un élément matériel couplé à des éléments immatériels et des éléments de services (Moati)

Le marketing est une activité critique puisqu’il permet de créer une partie la valeur immatérielle du produit et d’influer sur la perception de l’acheteur.

Le marketing connait une révolution

Les parts de marché de la télévision et de la presse diminuent progressivement au profit de celles de la publicité sur internet sous toutes ses formes (e-marketer).

En France, le CSA affiche une résistance de la télévision (CSA 2014). Mais si l’on cumule le temps passé par les individus dans les entreprises sur Google avec celui passé dans les foyers, on comprend que les médias traditionnels ne font pas le poids.

Ce changement entraîne une crise du marketing ([4]Gilles Babinet]). Le marketing est l’élément critique de l’économie immatérielle, car il est un élément fondamental de création de la valeur. Il façonne la perception de la marque par les clients.

Le marketing sur internet a abouti à construire une navigation personnalisée, one-to-one, pour l’internaute pour l’amener vers des propositions commerciales grâce aux mots clés et aux bannières personnalisées. On appelle cela l’inbound marketing. Et il n’est pas au bout de ses promesses.

Les relations entre marque et client changent. Celui-ci est entouré de marques qui le ciblent en permanence. Et il y en a de plus en plus, tandis que l’on constate une perte de confiance dans les marques traditionnelles. De plus, les barrières dans certains secteurs étant abaissées, les changements de perception peuvent être très rapides grâce au marketing viral.

La révolution du marketing entraîne la révolution des entreprises

Si les entreprises ont l’obligation de produire les biens et les services personnalisés qui répondent au mieux aux attentes fonctionnelles et sociétales des clients, elles doivent aussi en maîtriser et en développer la valeur immatérielle.

Aujourd’hui, un certain nombre de transformations sont déjà à l’œuvre. La vague de l’automatisation tirée par les innovations informatiques est en train de pénétrer et changer l’économie de production (1) (2) (5).

Si elle a déjà conquis l’industrie dans les années 70-80, elle gagne aujourd’hui les services : santé, loisirs, banque-assurance, l’agriculture…

Certains l’ont déjà mise en œuvre, comme cette ferme laitière aux Pays-Bas où la traite et l’alimentation du bétail sont personnalisées à chaque animal. Une seule fermière gère 2 fois plus de vaches pour une même qualité de lait. Cette révolution est en marche, on en rencontre de nombreux exemples dans tous les secteurs d’activité.

L’automatisation concerne autant les activités de production que les activités de décision, les unes ne pouvant aller sans les autres. C’est l’objet de ce que d’aucuns appellent le Big Data, mais qui cherche à répondre à des attentes complémentaires :

  • Maîtriser la chaine de valeur immatérielle en transformant les relations entre l’entreprise et Internet
  • Savoir prendre des décisions complexes en circuit très court afin de fournir de nouveaux services basés sur des objets connectés (Nest Labs : Thermostat et Détecteurs de fumée)
  • prendre les décisions complexes sur les opérations internes

Les entreprises sont dans la tourmente

La France, comme d’autres pays européens, doute. La cause de l’absence de croissance française serait la faiblesse des investissements. Ils croissent faiblement en effet pour les grandes entreprises, mais décroissent s’agissant des TPE et petites PME. L’erreur est d’attendre tout des technologies et des projets de mise en œuvre de celles-ci. Il faut lancer un changement de culture de travail profond et général.

En effet, l’automatisation ne peut réussir sans un changement radical de l’approche de l’exécution des activités de production. Il faut simplifier les séquences d’activités pour maîtriser les erreurs qui bloquent toute tentative d’automatisation.

Une des composantes de ce changement culturel s’appelle le Lean management. Il demande de bien connaître les opérations de l’entreprise, d’être proche du terrain et nécessite des hiérarchies relativement plates. Il doit être étendu aux services avant tout projet d’automatisation (6).

Une autre composante est la capacité de collaboration, c’est-à-dire la capacité de penser pour soi et pour les autres dans la conception, la planification et l’exécution des activités, car les biens et les services ne peuvent être produits en s’ignorant les uns les autres. Et ceci vaut pour ce qui est interne à l’entreprise comme pour l’externe.

Concrètement, cela aboutit à des offres comme Autolib de Bolloré qui résulte d’une intégration cohérente de biens et de services depuis la conception jusqu’à la mise en marché, comme l’offre de service au kilomètre parcouru de Michelin ou celle qu’Areva souhaite être capable de proposer basée sur le mégawattheure fourni et non plus sur la réalisation de réacteurs nucléaires.

Une révolution managériale

Les entreprises ont un double challenge, elles doivent s’approprier les innovations technologiques qui permettent la personnalisation et l’automatisation de leurs processus de production, et aussi réviser leur culture de travail : simplification et maîtrise des erreurs, collaboration à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.

Pour réussir, le maillon essentiel n’est pas l’investissement, même s’il en est une composante importante. Non, le maillon essentiel est celui capable de créer et de conduire le changement des esprits et de la culture de travail, c’est celui des managers des entreprises. Ce sont eux qui feront ou ne feront pas arriver ces transformations fondamentales.

La réussite repose sur l’avènement d’une nouvelle génération de managers qui non seulement comprenne les nouvelles relations avec les machines, mais qui est en mesure de prendre des décisions et de piloter à la fois le travail des hommes et le comportement de ces automates complexes.

(1) Christian Saint-Étienne, « L’iconomie : pour sortir de la crise », Odile Jacob, 2013.

(2) Michel Volle, « Iconomie », Economica, 2014.

(3) Philippe Moati, « La nouvelle révolution commerciale », Odile Jacob, 2011.

(4) Livre blanc Valtech-Adobe 2014.

(5) Erik Brynjolfsson, Andrew McAfee, « Race Against the Machine: How the Digital Revolution is Accelerating Innovation, Driving Productivity, and Irreversibly Transforming Employment and the Economy », Digital Frontier Press, 2012.

(6) Yves Caseau, « Processus et Entreprise 2.0 – Innover par la collaboration et le Lean management », Dunod 2011.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-108273-de-la-revolution-immaterielle-a-la-revolution-manageriale-1039916.php?qkVBxiaLMP5F55BI.99

3 thoughts on “De la révolution immatérielle à la révolution managériale

  1. Bonjour,

    Dans le domaine IT/Web/Mobile: Je pense que la révolution commerciale dont il est question ici trouve aussi ses fondements dans le domaine de l’expérience utilisateur (de beaux applicatifs pour des utilisateurs contents) et la brillante communication conceptuelle dans le livre business model generation qui illustre un glossaire compréhensible autant par des intervenants techniques que des intervenants business. Du coup, la mise à jour entreprise de notre période est avant tout une mise à jour culturelle, conceptuelle et de langage avant d’être technique, opérationnelle ou plus largement, organisationnelle.

    D’ailleur le livre Business Model Generation semble conçu en amont à l’aide d’UML et cela rejoint l’un de vos récents articles:
    http://capirossi.org/2014/05/le-manager-du-futur-sera-un-programmeur-et-un-architecte/

    Un manager des organisations à notre époque doit mâitriser BMG, BPM et UML et pour chaque couche, quelques patterns:
    – patterns de modèles d’organisation (listé dans BMG),
    – patterns de processus métier (via BPM, un standard, et ce site: http://www.workflowpatterns.com/),
    – patterns de conception UML (via diag classe et objet).

    Pourquoi? Car je pense que cela structure la pensée avec une approche souple et modulaire. L’idée étant aussi que le manager en question soit capable de s’écrire un petit script python pour accélerer l’analyse des informations remontant de ses sondes … Tout un programme 🙂

    Merci pour votre travail, il est nécessaire et éclairant.

    Bonne journée,

  2. Oui, probablement il faut s’attendre à un changement profond, culturel et langagier y compris dans le design et l’esthétique, car c’est l’homme aujourd’hui qui limite les possibilités de la technologie. La question devient alors : Quelles sociétés humaines ces mouvements engendreront-t-ils ?

    Merci de votre lecture
    Jérôme Capirossi

  3. Nous rentrons dans un niveau d’incertitude élevée, ces questions ne peuvent être abordées sans être pris pour un romancier.

    Il y a beaucoup trop de paramètres, de branches possibles, de cul de sac derrière la montagne. D’autant que cette question trouveras des réponses bien différentes d’une culture à l’autre car nous n’implémentons pas tous les mêmes valeurs. Réponse locale nécessaire donc?

    Néanmoins, on peut se tourner vers la science fiction pour avoir quelques débuts de réponses (Orwel, Asimov par ex).

    De mon point de vue, les questions primaires sont:
    – Comment ne pas-être soumis à la machine?
    – Comment ne pas être soumis aux hommes au travers de la machine?

    Je crois nécessaire une chose fondamentale que Asimov avait compris -cf « le cycle des robots » et les lois de la robotiques (http://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_lois_de_la_robotique).
    La machine doit toujours être un outil et un compagnon pour l’homme, même si ses capacités le dépasse. Dans le cas contraire, l’homme sera asservi à la machine.
    J’ajouterai qu’une machine ne devrait jamais permettre à un homme d’en asservir un autre. Sinon, on risque de tomber dans un monde Orwellien ou un seul homme (ou même machine dans le pire cas) domine les autres sans que personne ne le sache vraiment (IT US + Prisme?).

    La réponse aux deux contraintes, je crois, est l’open source/libre avec un nombre très important de gens capable de décortiquer et contrôler les programmes. Des lois strictes du rapport homme/machine ou homme/machine/homme sont aussi nécessaire.

    Pourquoi?

    Car cela permettrait d’implémenter deux fonctions essentiels pour éviter le pire:
    – intention (et obligation) de contrôle des programmes avec un axe humanitaire via des lois,
    – capacité de contrôle ouverte par la transparence.

    Je change de sujet mais je pense que nous nous trompons en pensant que notre propriété intellectuelle se situe dans les programmes. La vrai richesse, je crois, c’est la matière des programmes: l’information et l’histoire qu’elle peut raconter.

    La question est si complexe que j’en ai le tourni, mais cela ma bien réveillé ce samedi matin 🙂

    Merci pour votre réponse, bien à vous,
    Olivier

    PS: désolé s’il y a des fautes, je suis faible en analyse micro …

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