On évoque partout la transformation digitale des entreprises et ses bénéfices. Les nouvelles démarches agiles permettent de vaincre les obstacles de la de transformation. Pourtant ce n’est pas l’expérience que connaît l’entreprise SERV+, bien au contraire.

Ce cas est le premier d’une série qui a pour but d’illustrer les difficultés sur lesquelles peuvent butter les entreprises qui se transforment.

Le cas SERV+

L’entreprise SERV+ est confrontée à un problème stratégique : « son portefeuille de clients s’érode, les souscriptions ne parviennent pas à compenser les résiliations ». D’autre part, le taux de marge insuffisant ne permet pas de rendre les offres assez attractives comparées à celles de la concurrence. Le cycle d’affaire de SERV+ étant annuel, la majorité des clients prennent leurs décisions en fin d’année pour l’année suivante.

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Pour faire face à ce contexte, le Comité Directeur de SERV+ a soumis à son conseil d’administration une stratégie à deux composantes : maîtriser de frais afin d’agir sur le taux de marge et la compétitivité des offres ; conquérir de nouveaux clients pour accroître les souscriptions. Le comité Directeur a fait une évaluation de l’investissement et a présenté un plan où les investissements seraient financés par les baisses de frais.
 
Les initiatives stratégiques ont été sollicitées et sélectionnées sur la base de ces 2 objectifs.
 
En toile de fond, la DSI de SERV+ a lancé un plan pluriannuel de refonte de ses infrastructures informatiques pour répondre aux exigences de la transformation digitale : dématérialisation des transactions, refonte des portails et sites, passage à des actes de gestion temps réel.

Quels résultats furent obtenus ?

L’ensemble des Directions de Support et de Gestion se lancèrent dans des projets de maîtrise des coûts et d’excellence opérationnelle. Il s’est avéré que les projets avaient été sous-estimés, notamment car le diagnostic de l’existant avait été insuffisant et que, pour réaliser les économies espérées, il fallait faire évoluer plusieurs solutions informatiques. D’autre part, l’allongement des délais de réalisation des économies ne permettaient plus de financer la modernisation des offres et les efforts de conquête dont les coûts engagés maintenaient voire accroissaient le niveau des frais.
 
A la fin de l’exercice, SERV+ se trouvait dans une situation similaire à celle du début de l’exercice avec un portefeuille de clients encore plus réduit.
 
Pour SERV+, les perspectives s’assombrissaient, car, depuis 3 ans, l’entreprise avait élaboré la même stratégie en obtenant les mêmes résultats. Jusqu’à présent, elle avait maintenu le cap en adaptant en rognant sur ses marges. Aujourd’hui, il devenait clair qu’au cours de son histoire, ponctuée de rapprochements, elle n’avait jamais eu à faire face à une transformation de cette ampleur.

Quelles causes ?

On peut résumer l’erreur d’appréciation du Comité Directeur SERV+ par : « adopter une stratégie d’optimisation face à une échéance de rupture métier ». Cette erreur est le fait de beaucoup d’entreprises qui face à une échéance radicale hésitent. Pour SERV+, il y a urgence. Et la transformation digitale qui est censé être porteuse de rupture ne répond pas à des attentes de court-terme.
 
D’autre part, une fois la décision prise, SERV+ est passé en mode de pilotage aveugle. En effet, les contributions au business ne sont visibles qu’en fin d’année lors des renouvellements des contrats, donc elle ne disposera d’aucun indicateur entre temps. En outre, les projets sont gérés individuellement, et non pas selon leur contribution aux objectifs. SERV+ est dans l’incapacité de réaménager le portefeuille de projets et de redéployer son investissement, comme elle aurait pu le faire si elle gérait son portefeuille en tenant compte des adhérences stratégiques comme ci-après.

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Par exemple, le projet P08-2016 avait pour but d’exploiter les données clients grâce aux technologies digitales afin de mieux anticiper et éviter les résiliations. Des campagnes ont été menées occasionnant de nouveaux frais avec des résultats mitigés car les causes de résiliations n’avaient pas été suffisamment identifiées.
 
Enfin, il faut tenir compte des horizons de gains. Les investissements lourds doivent reposer sur des espérances de gains de long terme relativement certains, tandis que des investissements plus faibles peuvent être adossés à des gains de court-terme, plus risqués. SERV+ s’est lancé dans une modernisation de ses infrastructure IT pour favoriser sa transformation digitale en l’adossant à des espérances de gains de court terme difficiles à réaliser.

En conclusion

Le cas SERV+ est typique d’une transformation digitale mal préparée. Le contexte métier n’a pas suffisamment et correctement été pris en compte et, dans le cas SERV+, contribue au contraire à mettre l’entreprise en péril au lieu de la mettre sur une trajectoire de succès.

Niveau de décision Erreur Solution
Stratégique Le type de changement a été mal identifié : stratégie d’optimisation à la place de stratégie de rupture

 

A stratégie adoptée est complexe dans sa réalisation, les risques ont été mal identifiés

Renforcer la compétence stratégique en effectuant une veille concurrentielle systématique.

 

Bien identifier les risques au regard des enjeux

Planification L’estimation de la mise en œuvre de la stratégie n’a pas été scénarisée (optimiste, moyen, pire)

 

La gouvernance de l’exécution n’a pas pris en compte les difficultés de pilotage

Scénariser la planification et identifier l’incertitude des estimations

 

Identifier les leviers de pilotage de l’exécution de la stratégie et mettre en place une démarche de pilotage

Pilotage Le pilotage a été aveugle, il a piloté les coûts en prenant pour hypothèse que les gains seraient au rendez-vous Détailler les relations entre les coûts et les gains de façon à pouvoir décider des réorientations en cours d’exécution
Projets Les compétences d’exécution sont surévaluées, les projets dépassent les budgets et les délais

 

La charge des opérationnels est plus importante que prévue, ils résistent aux changement

Prendre en compte les compétences d’exécution dans le choix des solutions et pas seulement les coûts et la performance technique.

 

Préparer le changement aussi en utilisant le levier de la motivation avant celui de la formation

 

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