Qui n’est pas aujourd’hui bombardé par un discours envahissant sur la révolution de l’information basée sur les nouvelles technologies de la communication ? D’autant plus si sa propre sphère professionnelle est axée sur ces nouvelles technologies.
Dans l’ouvrage de Dominique WOLTON, j’ai été intéressé par le discours alternatif qui n’est pas le fait d’un futurologue pessimiste, mais d’un fin observateur de la société contemporaine, qui s’appuie sur une grille d’analyse éprouvée concernant la dimension de la communication.


Cependant, certains points m’ont étonné :

  • Dans l’analyse des médias, leur modalité n’est pas prise en compte. En effet, le livre, les journaux, et Internet n’ont-ils pas les faveurs de l’élite car ils sont des média de l’écrit, alors que la radio et la télévision sont des média de l’image et du son qui nous ramènent au souvenir d’un mode de communication primitif.
  • De même, D. WOLTON considère que les consommateurs n’ont pas d’esprit critique, alors qu’il défend celui du spectateur. Ainsi, il considère qu’il suffit de mettre à disposition une technique pour quelle soit massivement adoptée. En réalité, on s’aperçoit que des technologies sophistiquées et prometteuses comme l’ATM, n’ont jamais eu le niveau de diffusion attendu. Le WAP actuellement est en train de subir le même phénomène.

D. WOLTON présente la théorie des média, et notamment, la synchronisation nécessaire entre la sphère technique, la sphère culturelle et la sphère sociale pour aboutir à une révolution de la communication comme l’ont été, en leur temps, la radio et la télévision. « La communication résout le problème du nombre et de l’intelligence du récepteur ». « La radio et la télévision correspondent au mouvement en faveur de la démocratie de masse ».

A quoi sert la télévision ?
« (La télévision sert) a rassembler des individus que tout sépare par ailleurs et à leur offrir la possibilité de participer individuellement à une activité collective. C’est l’alliance bien particulière entre l’individu et la communauté qui fait de cette technique une activité constitutive de la société contemporaine. Voilà le génie de la télévision. »

Qu’apportent les nouvelles technologies ?
Les nouvelles technologies servent à la fois de système d’information et de système de communication. Elles permettent aux entreprises de pousser plus loin l’idéal tayloriste. Elles proposent au consommateur un accès direct à des informations de type services , loisirs, événements et connaissance.
Les nouvelles technologies font le projet de passer d’une économie de l’offre à une économie de la demande (marketing one to one). Elle s’inscrivent dans le projet d’une nouvelle société globale et mondiale. Elles ouvrent la voie d’une nouvelle aventure, et par conséquent favorisent l’expérimentation et la création.
Le discours sur les NTI porte de manière sous-jacente une vision d’une nouvelle société plus humaine. Un monde ouvert, accessible à tous, et qui finalement donne une chance à chacun quel que soit son itinéraire, et ses diplômes.

Cependant, l’accès direct à la connaissance ne supprime pas la hiérarchie des savoirs. De même, la mondialisation ne constitue pas aujourd’hui un projet de société de court terme, atteignable. Un média suppose une représentation à priori du public. Il n’y a pas de média mondiaux, car il n’y a pas de public mondial. (cf. échec du journal the European paru en anglais de 1991 à 1998).
L’économie de l’offre présente des avantages importants en terme de communication, par rapport à une économie de la demande, car elle propose une vision à priori du public.
Enfin, le Web engendre de la méfiance vis à vis du respect de la vie privée ou des risques de fraude.

Quels sont les risques ?
L’essor des nouvelles technologies de communication peut entraîner un éparpillement du public sur plusieurs systèmes de communication, et donc la perte de la propriété principale des média de masses qui est de participer de la cohésion entre l’individuel et le collectif, et par conséquent fait courir un risque aux sociétés démocratiques.
La mondialisation de la communication et sa généralisation à toutes les sphères de la société risque de générer des conflits (dans la sphère du culturel et du social).
Les nouvelles technologies apporte l’illusion d’une rationalité nouvelle, alors que les ingénieurs et les techniciens ne sont pas plus rationnels que les autres (cf bug AN2000).
Paradoxalement, le savoir sur la communication est peu répandu. La communication est un secteur où la demande de connaissance est la plus faible. Si Internet permet d’aller plus vite, il n’a pas le pouvoir d’abolir le temps (temps des changements sociaux, temps des changements culturels).
Enfin il y a le risque de ne pas faire la différence entre le virtuel et le réel ? Le virtuel relève de la théorie des signes alors que le réel relève de l’expérience empirique des publics.
Les médias traditionnels sont cantonnés à la sphère du privé, les nouvelles technologies investissent toutes les sphères. Le grand public Internet est différent du grand public des média traditionnels. Il n’y a pas de distinction entre consommateur et citoyen. Sur le Net il faut des intermédiaires qui permettent filtrer l’information. (JCI – Un rôle non tenu pas les moteurs de recherche).

Dominique WOLTON analyse l’enjeu actuel des systèmes de communication qui est, au sein de la construction européenne, de favoriser l’intégration sociale et culturelle. Il n’attend pas que la technologie en soit le principal facteur. D’ailleurs, il dit qu’Internet, pour lui, n’est pas vraiment un média.

Enfin, il recommande la prudence, vis à vis des illusions que portent les nouvelles technologies de la communication, et recommande de mettre en place une réglementation qui préserve le rôle des média traditionnels, notamment au travers du service public.

Quelles réflexions ce livre m’a inspiré ?
La synchronisation entre les sphères techniques, culturelles et sociales ne conditionne pas uniquement les avancées de la communication. Il me semble que cette synchronisation soit le « time to market » des gens de marketing. En effet, combien de produits offerts, apportant de véritables innovations techniques, n’ont pas eu le succès escompté ? Les exemples fusent : Concorde, Asynchronous Transfert Mode, la Télévision Interactive, le Câble (en France), le WAP (???). La marché montre qu’il est capable de faire le tri. Combien de scénarios de télécommunications interactives sans frontières, basée sur des outils de traduction automatique, associées à l’image, reculent toujours une échéance qui demeure dans un futur lointain ?

La véritable question est la peur du retard sur les Etats-Unis. Depuis bientôt 20 ans, nous vivons dans le mythe du retard vis à vis de l’économie américaine. Pourtant, dans l’industrie de l’informatique, la spécificité des marchés européens est déjà prise en compte. Est-ce le fruit d’une attitude complexée ? Le résultat d’un lobbying pro-américain efficace ? Une bonne partie de ce retard consiste dans l’organisation libérale des marchés plus efficace qui favorise les mutations. Il est intéressant d’observer les effets de la libéralisation du marché de l’électricité en Californie, qui a résulté en une situation de pénurie, avec une envolée des prix. Il n’y a donc pas de recette miracle, modèle américain n’est pas directement transposable en Europe. Le pragmatisme est de rigueur. Enfin, j’ai cru discerner dans l’Europe un projet de société alternatif au projet de société américain. Et, il est intéressant de constater que, si aujourd’hui le modèle cible est le modèle américain, le modèle japonais a eu son heure de gloire.

L’impact des nouvelles technologies sur les entreprises n’est pas uniquement fonctionnel, cela affecte de manière importante leur mode de coopération. L’utilisation des nouvelles technologies induit un effet normatif qui entraîne des distorsions sur l’exercice de la concurrence. Par exemple, l’émergence des énormes places de marchés du secteur de l’automobile pousse les Etats-Unis à avoir des velléités de réglementation. Cette nouvelle économie qui n’est peut être pas une économie émergente, mais la transformation de l’économie traditionnelle, se dessine de manière différenciée en fonction des pays. Elle est le résultat de la concomitance entre l’ouverture des marchés mondiaux (sphère culturelle et sociale) et de la disponibilité des nouvelles techniques.

De même, si les nouvelles techniques semblent avoir la capacité de se diffuser partout dans l’univers du consommateur (voiture, cuisine, …), personne ne peut aujourd’hui s’engager sur l’accueil qui leur sera effectivement fait. Pour ma part, je crois davantage au succès de services qui choisiront d’utiliser le mode de l’image et de la parole, plutôt que celui de l’écrit. J’attends l’émergence d’intermédiaires qui permettront de structurer l’offre, et d’apporter au consommateur des services (programmes) où l’interaction passera par le geste (écrans tactiles) et la parole. Autrement, cette nouvelle communication restera le fait d’une élite élargie aux cadres d’entreprise, et ne franchira jamais le cap d’une audience de masse.

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