Dans le contexte économique actuel, bien que le FMI annonce que la reprise a commencé, les entreprises ne doivent pas faiblir et poursuivre l’effort d’adaptation. Comme je l’avais montré dans les billets « Est-il temps de réviser son plan stratégique ? » et « Qui croit qu’après la crise, il y aura un retour à la normale ?« , se donner l’objectif de faire partie du groupe de survivants ne suffit pas, il faut que les entreprises soient préparées à la reprise de leur activité et être en mesure de fournir la capacité nécessaire. Cela a demandé et demande encore, à chacune d’elles, un effort de transformation important, d’autant plus que la reprise va se faire dans un contexte d’affaire rénové, car clients et fournisseurs sont en train de changer leur comportement. Il faudra trouver une nouvelle place, un exemple est l’industrie automobile qui évolue à marche forcée vers les véhicules électriques pour être prête à répondre aux défis de la régulation internationale et à la demande des clients de produits industriels respectueux de l’environnement.
Dans ce contexte, il est étonnant de lire, dans les analyses du Gartner sur l’Architecture d’Entreprise (AE), que la qualité du travail des architectes d’enreprise n’est pas suffisante pour démontrer et articuler la valeur de l’AE avec les autres leviers de changement. C’est même inquiétant car la valeur de l’AE est justement de favoriser la réussite du changement. Alors que se passe-t-il ?
Les entreprises se transforment depuis avant l’apparition des référentiels d’architecture d’entreprise. Précédemment, l’attention était portée sur le changement culturel et sur le maintien de la motivation des collaborateurs qui, ayant une attitude positive, possèdent toutes les compétences pour concevoir et mettre en œuvre le changement, chacun à leur niveau. Dans un contexte d’affaire de plus en plus intégré, basé sur la collaboration d’organisations en réseau, cette approche a mené à des difficultés, et parfois à des échecs : tel le problème d’EADS qui a mené aux retards que l’on sait sur le programme d’Airbus A380, qui était du à une intégration des processus, des hommes et des technologies non réussie. En complétant cette approche par un processus souple mais structuré, l’architecture d’entreprise est un facteur critique de succès des transformations. Il est alors inquiétant de constater que les architectes d’entreprise ne parviennent pas à démontrer sa valeur, et par là même, ne permettent pas aux entreprises d’en bénéficier en un moment où elles en ont le plus besoin.
Ceci dit, le Gartner base son analyse sur un sondage réalisé auprès des architectes. Si cette démarche est intuitive, elle peut avoir introduit un biais. En effet, il se peut que l’architecture d’entreprise ait été diffusée comme pratique de management, et qu’elle ait touché d’autres parties prenantes de l’entreprise, par exemple des Direction de l’Organisation, ou bien les Directions métiers et la Direction Générale, ou les Directions de la Stratégie. Les architectes seraient alors les chevilles ouvrières d’un processus qu’ils ne maîtriseraient pas. Les quelques grands architectes, leaders d’opinion, qui ont fait émerger le concept d’AE, auraient en définitive œuvré pour les managers d’entreprise, plus que pour la communauté des architectes.
Ceci n’est en effet qu’une hypothèse. Cependant, l’architecture forum de l’Open Group a identifié que, dans le cadre de l’architecture d’entreprise, les compétences des architectes devaient aussi inclure des compétences en management, ce qui n’est pas obligatoirement le cas, car massivement les architectes ont été recrutés principalement sur la base de compétences d’experts. Pour être réellement les vecteurs de l’architecture d’entreprise et jouer pleinement leur rôle, les architectes aussi doivent se transformer et acquérir des compétences de manager leur permettant de créer l’empathie nécessaire avec les parties prenantes de l’architecture d’entreprise, pour prendre la responsabilité complète du processus.
Tout à fait d’accord, l’architecte est avant tout un meneur d’hommes plutôt qu’un expert.
C’est en faisant discuter entre eux les experts, en favorisant les débats, les challenges et en étant capable de les restituer à une direction que l’architecte est le plus utile.
Je vois trop de querelles entre experts, chacun défendant sa chapelle. L’architecte doit prendre du recul et amener les hommes à se rassembler derrière une vision commune.