Septembre est habituellement la période où débute le processus budgétaire. Le processus, généralement piloté par le contrôle de gestion, commence par le rappel des orientations stratégiques et des éléments de cadrage budgétaire pour leur mise en œuvre. L’exigence de gains par rapport aux lignes de l’année précédente est présente partout, et un contexte de stagnation ou de faible croissance offre moins de marges de manœuvre.
Les managers IT doivent passer en revue le portefeuille de projets pour réestimer les ordres de priorité. Ceci ne peut être fait sans la collaboration des métiers qui en sont les commanditaires. Généralement, on distingue les grands projets à visibilité d’entreprise et les demandes de maintenance évolutive qui concernent chacune un petit groupe d’utilisateurs.
Dans ce dernier cas, il y a deux critères pour cadrer les demandes : le ROI qui permet d’exprimer les gains de productivité et le caractère obligatoire du point de vue de la conformité. Malgré tout, le nombre de lignes rend parfois fastidieuse la tâche d’estimation ou de réestimation et donc mène à des approximations parfois larges.
Pour les grands projets, il y a 2 dimensions : la priorité du projet dans son ensemble, mais également sont réechelonnement. Il faut alors être capable de descendre au niveau des lots, d’identifier les dépendances entre les lots de projet, d’identifier les ROI par lot. Avoir une vision de paliers d’évolution du SI qui englobent les dépendances de chaque lot à un horizon donné, facilite et sécurise cette étape.
Enfin, il y a les nouveaux projets que l’on veut lancer dans l’année. Souvent, en l’absence d’une stratégie clairement définie, on a du mal à en estimer l’opportunité et l’urgence.
Il faut aussi passer en revue les opérations. Comment les rendre plus efficaces ? Au delà des courbes d’apprentissage souvent théoriques, on se rend compte d’inconvénients de certaines technologies mises en œuvre récemment qui peuvent faire l’objet d’amélioration. De même, l’industrie propose parfois de nouvelles solutions pour pallier ces inconvénients. Cette piste est d’autant plus fructueuse que l’on est dans un environnement évolutif, car, sinon, elle bute sur les rendements décroissants. Néanmoins, elle est souvent freinée parce qu’elle accroît des investissements dont les gains ont été âprement discutés avec les métiers.
Pour les services achetés, le levier passe par une renégociation aux échéances intermédiaires de contrats. Ceci dit, l’exécution des contrats étant parfois complexe, sans un pilotage et une vision claire, l’objet des négociations peut être à côté des enjeux réels. Le processus va durer jusqu’à Noël et donner lieu à d’âpres négociations internes et externes avec les fournisseurs.
Enfin, il y a la maîtrise de la masse salariale qui conditionne les capacités d’exécution non seulement de la Division IT mais également des métiers. C’est un indicateur de capacité important dans le choix du faire ou du faire-faire que ce soit dans les opérations ou dans le développement.
Arrivé en décembre, si les budgets semblent répondre aux questions posées, ils sont tellement entâchés d’erreurs qu’ils forment un outil de management pauvre. Les choses s’éclairent au printemps, lors de la révision des budgets, où les erreurs de capacité et les erreurs d’estimation deviennent visibles, notamment lorsqu’il apparaît que l’on ne peut exécuter certains projets. Si cela semble réaliser mécaniquement les économies que l’on avait prévues initialement, cela pénalise l’exécution de la stratégie.
Dans un tel contexte, mettre en œuvre l’étude de scénarios d’exécution budgétaire au niveau de chaque direction paraît illusoire. Pourtant, les entreprises qui maîtrisent la qualité de leur processus budgétaires sont les seules capables de ré-allouer de manière réaliste les ressources en fonction de changement de tendances au cours de l’année, c’est un facteur critique d’agilité.
Cela est possible, si l’on sait d’une manière opératoire pourquoi on réalise les investissements, c’est l’objet de la gestion des exigences qui finalement ouvre la voie d’un ‘design to cost’ à l’échelle de l’entreprise. Si l’on connaît les dépendances entre les différents évolutions, si l’on estime correctement les projets au sein des trajectoires, c’est l’objet de la conception et de la planification des Systèmes d’Information. Si l’on maîtrise la mise en oeuvre des projets en pilotant correctement les risques d’exécution.
En conclusion, installer une pratique d’architecture d’entreprise fournit les fondamentaux pour maîtriser a minima le volet IT du processus budgétaire, mais égalament la planification des projets du point de vue des Divisions métier.
Très bon sujet ! D’autant plus intéressant qu’une partie importante de la valeur de l’architecture et du management des SI vient précisément de l’incertitude.
Je note que vous êtes en train de lire le livre de Taleb, très indiqué pour réflechir sur la notion d’incertitude (cf. ma revue sur http://organisationarchitecture.blogspot.com/2009/05/simulation-jeux-et-previsions-face.html)
Je suis complètement d’accord avec vous, Yves. Pour moi aussi la gestion de l’incertitude est une affaire de management et d’architecture. Et je me rends compte combien nous avons été mal préparés à cela, d’abord par un fonctionnement cognitif inadapté, amplifié par une éducation focalisée sur la recherche des causes et l’apprentissage des méthodologies de prévisions basées sur l’inférence.
Le livre de NNT a le mérite de nous alerter sur ces points, il nous revient de trouver pour nos métiers les méthodes ou les changements dans les pratiques existantes, pour tenir compte des événements imprévisibles qui n’ont pas obligatoirement des conséquences négatives. Je suis persuadé que l’architecture est au centre du réseau des réponses à cette question.
PS. Je trouve vos travaux sur l’organisation du plus grand intérêt car ils touchent au cœur de la discussion sur le 2.0 avec une perspective autre que celle du Marketing