J’ai assisté à la matinée du 1er octobre de l’Open World Forum à Paris. Je recherchais au milieu d’un public de convaincus, des clés complémentaires pour comprendre les fondamentaux économiques du logiciel libre. Des conférenciers de renoms pour ouvrir un Forum qui s’annonçait réellement international : Jacques Attali, Andrew Aitken, Matthew Aslett, Michael Tiemann.
Une Table Ronde avec des acteurs locaux : Jean-Pierre Barbéris, Président, Bull France, Michel Cosnard, Président, INRIA, Henri Verdier, Président, Cap Digital, Dominique Vernay, Président, System@TIC.
En 2 mots Matthew Aslett nous dit que la guerre est gagnée, il s’appuie pour cela sur l’article « Unlocking the cloud » du journal The Economist. Le logiciel libre a aujourd’hui sa place, et il sert de base à la construction du Cloud Computing. Néanmoins il reste beaucoup de travail pour franchir l’obstacle du verrouillage des données : il faut que les données puissent être déménagées d’un fournisseur de « cloud services » à l’autre.
Andrew Aitken a mis en garde contre la fragmentation des groupes de projets open source qui peut nuire à leur dynamisme.
Il a rappelé que les conditions de lancement d’un projet open-source sont de bien démontrer la valeur apportée au métier et aux différents contributeurs.
Les logiciels open source doivent être reconnus comme bien commun, ainsi que le recommande la roadmap FLOSS 2020.
Michael Tiemann a insisté sur les performances en terme de qualité des logiciels open-source en comparaison aux logiciels spécifiques et aux logiciels de certains éditeurs. En tenant compte des projets avortés et des coûts de maintenance élevés cela représente 1 tera$, c’est ce que le mouvement open-source prétend faire économiser à l’industrie pour soutenir la relance. Il a aussi rappelé que dans le cadre de l’open-source la valeur n’était pas dans le produit, mais dans le service et c’était sur cette conviction que s’est basée la réussite de Red-Hat.
Jacques Attali a tenu à s’exprimer en Français pour rappeler que la France était l’hôte de ce Forum. Il a mis en garde sur l’utilisation du mot « libre » déjà très galvaudé, peut-être valait-il mieux libre de droit ou ouvert ? Ensuite, il a tempéré les espoirs vis à vis du grand emprunt dont les emplois n’étaient pas arrêtés et qui pouvait résulter dans l’aggravation de la dette actuelle sans apporter le surcroît de croissance attendu. Sur ce, il a rappelé que la rareté du logiciel était artificielle et que cela justifiait le mouvement open-source. Puis, il a exposé son point de vue sur le lien grandissant entre logiciel et économie, et que celui-ci était un facteur permettant l’activité de microcrédit.
La table ronde a présenté les initiatives et les engagements d’acteurs de terrain de premier plan vis à vis l’open source comme moteur important de l’innovation.
Les ateliers qui ont suivi n’étaient pas tous libres de droits, certains étaient sur invitation, ce qui peut paraître choquant dans un Forum sur Open Source financé en grande partie par des capitaux d’origine publique. En outre, cela va à l’encontre de la libre circulation des idées et de la connaissance qui s’ajoutant, se complétant et se subsummant accèlère l’innovation. Ces gens là sont probablement Open-Source dans l’apparence mais pas dans leur métier.
Qu’en ai-je retiré ?
Le mouvement open-source est en train démontrer la possibilité d’une nouvelle économie dont la valeur ne serait plus basée sur le produit, mais sur le service. Au départ, la notion de service m’a paru creuse, car aujourd’hui nous sommes massivement dans des économies de services, mais ces services sont conçus comme des produits. J’ai alors changé service par usage, et j’ai compris la valeur : c’était d’amener le service ou le produit au client. C’est en quelques sorte la réalisation de la société de la connaissance qui met la valeur sur la qualité de la relation avec le client, c’est dans cet espace que se produit également l’innovation, car l’innovation n’est pas un produit, n’en déplaise aux producteurs de produits innovants (cf définition de l’innovation par l’OCDE), mais un usage. Finalement, nous aurions des produits compatibles entre eux, qui incorporerait plus rapidement qu’aujourd’hui les nouvelles technologies au fur et à mesure de leur apparition, et nous serions tous concentrés pour aider nos clients à trouver des usages innovants. Voilà un panorama qui pourrait être appliqué à d’autres secteurs industriels et qui changerait complétement notre concept de valeur. Serai-ce l’avènement d’un nouvelle société ?
Je crois aussi que si la vision a progressé, les obstacles vis à vis d’un changement aussi radical sont grands et vont demander du temps.
Je crois qu’un DSI se doit de comprendre la vision et la roadmap du mouvement open-source. En fonction de ses moyens, Il doit décider de comment il doit contribuer, car hormis certains logiciels comme Linux et Apache qui sont indispensables à toute un pan de l’activité informatique, la pérennité des autres plates-formes est soumise à questions. Il faut que les grands donneurs d’ordre ne voient pas seulement dans l’open source, un fournisseur gratuit, mais qu’ils contribuent activement avec leurs moyens à la construction de cette nouvelle économie, ce afin de la pérenniser et par voie de conséquence de pérenniser leur propre business.
Bonjour,
Reçu cet article dans ma boite mail ce matin… Grand défenseur de l’open-source depuis de nombreuses années en dépit de mon jeune âge, je ne pouvais m’empêcher de venir lire la prose d’un nouvel explorateur.
Pour moi, et pour longtemps, le cloud computing est une fumisterie dont beaucoup sont en train de revenir. Il y a moult articles en ligne qui démontent bien des pseudo avantages du cloud computing. Techniquement intéressant, il n’est reste pas moins un label fortement connoté marketing comme le fût « 2.0 ». Visiblement Jacques Attali était en grande forme puisque il n’a pas saisi la notion d’open-source. Qui littéralement veut bien dire : source ouverte. La possibilité donnée à chacun de s’approprier le code brute pour l’étudier, le modifier et le redistribuer. A noter, mais je pense que vous êtes au fait qu’il existe plusieurs types de licence sur le logiciel libre. Un débat bien plus vaste que la simple réflexion lié à la sémantique du mot « libre » et son utilisation. En ce sens, la vision de Jacques Attali m’apparaît très réductrice.
Outre ce point, je souhaite revenir sur le financement de ces projets libres. Oui, vous avez raison beaucoup d’entre eux sont financés par l’argent public. Faut-il y voir un corolaire fort entre bien public et logiciel libre ? Dans son autre conception de financement par des entreprises privées, il faut aussi noter que l’inverse est usuel et courant, beaucoup de firmes utilises des logiciels libres développés par une communauté (d’où l’apparition du crowdsourcing). Il y a bien ce point qui ne semble pas avoir été abordé : beaucoup de technologies sont fruits de la volonté désintéresse de passionnés. Un fameux exemple : la librairie gquery, utilisée sur presque tous les sites web des grandes firmes, est l’oeuvre d’un seul développeur… passionné. Comment alors ne pas vous rejoindre lorsque vous dîtes : » Ces gens là sont probablement Open-Source dans l’apparence mais pas dans leur métier. ».
Enfin, attention à l’amalgame : Linux n’est pas un logiciel libre. Il s’agit d’un noyau libre. Opensolaris n’est pas linux pourtant il est tout aussi libre. xBSD n’est pas linux et pourtant il est libre. Utiliser un noyau linux n’empêche pas d’utiliser des logiciels fermés ou propriétaires.
En tout cas merci pour cette review, ma foi très intéressante.
Merci Hugues pour toutes ces précisions…
Je suis d’accord avec vous, nous devons faire en sorte que les principes sous-jacents à l’Open source ne soient pas uniquement des messages marketing,
qu’ils se concrétisent pour l’avènement d’une économie durable contribuant davantage au bien être des individus.
Bien cordialement