Le monde de l’entreprise change, il est de plus en plus fréquent de voir les ordinateurs remplacer les humains au travail. Le phénomène est plus rapide dans les pays comme la France où les impôts et les charges sociales pèsent plus lourdement sur les salaires. Il se produit par un mouvement silencieux qui pousse peu à peu les gens vers des emplois à temps partiel ou le chômage. La seule main d’œuvre épargnée est constituée des travailleurs hautement qualifiés capables de maîtriser les technologies en même temps que l’organisation du métier de l’entreprise 1. Les pays dont la consommation est le moteur de croissance, souffrent fortement d’un pouvoir d’achat au point mort ou en baisse. Ceux tournés vers l’exportation semblent réussir beaucoup mieux, la concurrence se durcit cependant dans un contexte déflationniste 2 .
Dans un tel contexte, les dirigeants d’entreprise ont du mal à maintenir ou à atteindre un niveau de résultat d’exploitation répondant au attentes d’investisseurs de plus en plus exigeants sur le taux de retour sur investissement. Ils se battent aussi pour maintenir le niveau de chiffre d’affaire dans un marché lui-même affecté par le contexte économique général. La crise a été un bouc émissaire utile, elle a été une explication aisée du chômage et des troubles endurés par les entreprises. Elle est cependant terminée et la gueule de bois est toujours là.
Pour espérer survivre, les entreprises doivent se transformer. Pour autant, toutes ne seront pas en mesure de le faire, seules celles qui parviendront à obtenir des fonds pour financer le changement et, parmi elles, celles qui réussiront à mettre en œuvre le changement. Il reste peu de temps pour se mettre à l’ouvrage.
Tout cela serait nouveau, si les sociétés de conseil et d’édition n’avaient pas martelé ce message pendant des années. D’ailleurs pour beaucoup d’entreprises la transformation est déjà en cours3
Quelles devraient être les directions de transformation ?
En direction du client
Aujourd’hui, les clients attendent du Marché qu’il propose ou bien des offres à faibles coûts ou bien des offres personnalisées et sophistiquées qui nécessitent de changer radicalement la démarche marketing et de transformer la chaîne d’approvisionnement.
Les tendances actuelles sont de basculer les offres des produits vers les services. Par exemple, en 2011 Michelin a lancé une nouvelle activité qui n’offre pas des pneus, mais un service au kilomètre roulé sur pneus. Dans un autre registre, Areva cherche à se transformer pour offrir un service de production de mégawatts électriques et non plus des centrales nucléaires. Le fabriquant étend son engagement au service rendu par son produit au client.
Dans d’autres secteurs, la tendance s’est inversée. Dans les télécommunications mobiles, les services téléphoniques et les téléphones mobiles sont vendus séparément pour assurer la transparence sur des sources de coûts.
Les clients attendent que les offres et les services soient atteignables par n’importe quel canal, n’importe où, n’importe quand sur n’importe quel terminal. Ils sont mobiles et aspirent à de plus en plus de liberté.
Vers l’offre et de la conception à la production
Le Design des biens et services doit répondre aux attentes des clients dans un environnement ouvert, c’est que les services doivent être conçus comme des produits et mélangés dans des offres qui doivent prendre en compte le contexte et l’environnement du client. En outre, toutes ces offres doivent être personnalisables, fonctionnellement, esthétiquement, économiquement.
Au fur et à mesure de la diffusion de la personnalisation, les Directions Marketing subissent une pression du Marché afin de développer plus rapidement des offres de plus en plus complexes et de raccourcir les cycles de renouvellement de produits et services.
Cela signifie que tous les processus depuis la conception des offres à leur production doivent être simplifiés et automatisés autant que possible.
Vers le fournisseur
Comme l’entreprise doit se développer plus vite au risque de ne pas se développer du tout, les fournisseurs, les partenaires, les ressources humaines doivent être mobilisées plus rapidement. Pour cela, la bonne solution n’est pas d’accélérer, mais de maintenir des relations permanentes avec eux dans le but qu’ils se tiennent prêts pour le moment où vous en aurez besoin. Cette activité de relation d’Affaires consacre beaucoup de temps à la sélection, aux prises de contacts, aux présentations, aux échanges des documents, comme des accords cadre, des planifications. Tout cela peutt être automatisé par des moyens de communication et de travail appropriés (réseaux sociaux, plateformes marchés,…).
Vers optimisation interne
Penser à la transformation n’est pas suffisant si l’on ne prend pas en compte les ressources internes des entreprises. La technologie est capable de gérer des tâches de plus en plus humaines. Si la première étape est à l’évidence de simplifier, d’expliciter et d’organiser les processus internes, la deuxième étape devrait être d’accroître l’automatisation et de diminuer les personnes. C’est l’objectif des architectures de « Business Process Management » et des technologies associés. A l’ultime étape, seuls les travailleurs très compétents demeureront dans les entreprises, ceux qui sont capables de résoudre Les problèmes, de concevoir, de planifier et de conduire les réorganisations et les transformations. C’est la révolution du Lean.
Par quels moyens lancer la transformation digitale de l’entreprise ?
Tout d’abord, on ne devrait pas penser cette transformation comme un mouvement rapide, mais comme la poursuite d’une vision à long terme. Elle suppose qu’une stratégie claire a été définie afin de maintenir l’efficacité des opérations de l’entreprise aussi longtemps que le changement s’opère. En outre, la transformation est réalisée par des personnes de l’entreprise pendant qu’elles assurent leurs missions quotidiennes. C’est pourquoi elles s’attendent à ce que les mesures de changement soient mesurées pour ne pas perturber les activités commerciales. Au final, la cible est connue à un moment donné, mais ce n’est pas le plus important.
En effet, la bonne tactique est plus importante que la bonne stratégie car il est essentiel de savoir quoi, pourquoi, quand et comment à la place d’avoir un objectif de long terme dont vous ne savez même pas quand ni dans quelles proportions vous devez l’atteindre. En effet les objectifs de long terme changent habituellement en cours de transformation. Le Gartner appelle cela l' »Emergence ».
Dans une telle dynamique d’affaires, la meilleure façon de commencer est de s’accorder sur la définition de l’objectif global, c’est à dire ce que devrait être l’entreprise numérique dans le contexte donné de l’entreprise. Ceci peut être formalisé en définissant des principes et des orientations de haut niveau, compréhensibles par tous auxquels on peut se référer pour conduire la transformation. L’idéal est que ces principes et orientations fasse l’objet d’une charte approuvée par le comité directeur de l’entreprise. Ensuite, une équipe de managers doit être investie de la responsabilité de lancer et d’alimenter la dynamique de transformation. Cette équipe doit réunir des Concepteurs d’entreprise, des managers de programmes de changement, des organisateurs et qualiticiens. Son rôle sera de définir la feuille de route de la transformation des fonctions opérationnelles et de soutien conformément à la stratégie annuelle et à organiser, lancer et superviser les programmes de mise en œuvre. Les managers de programmes superviseront les chefs de projets qui pour certains d’entre eux sont dans le département informatique et d’autres au sein des directions métier.
Pour chaque étape de la feuille de route, les Concepteurs d’entreprise identifieront les gains métier, les bénéfices de la transformation et fourniront les approches de conception à adopter par les projets tandis que les managers de programmes affecteront les compétences, les ressources, gèreront le développement et déploieront les processus, gèreront le sourcing, lanceront et conduiront les programmes. A côté, les qualiticiens définiront les règles d’organisation et de processus pour fournir des biens et services de qualité. Cette nouvelle équipe deviendra une sorte de centre nerveux relié à toutes les fonctions de l’entreprise, elle les aidera à trouver leur positionnement dans la transformation en cours en réalisant leurs propres objectifs et elle contrôlera que chacune d’elles réussira dans son rôle.
Cette équipe constituera une nouvelle fonction de support, cela évitera la compétition entre les fonctions, comme le Marketing et l’informatique qui souvent s’accusent de tout les maux. Au contraire, elle permettra d’aplanir certaines oppositions en jouant le rôle de facilitateur.
Le succès est critique
Dans un contexte économique où le capital est une ressource difficile à acquérir pour les entreprises, notamment les PME, alors que c’est une ressource indispensable pour se transformer, il est important de réussir les transformations et d’obtenir au plus tôt les avantages que l’on attend d’elles. C’est loin d’être facile puisque seulement 39% des entreprises (américaines) estiment savoir mener régulièrement la partie IT de leurs projets à terme dans le budget et le délai imparti4. Cela signifie que seules les entreprises en bonne santé peuvent se permettre de lancer une transformation, les autres restent sur un bord périlleux exécutant une marche tactique évitant au mieux les pièges et observant leur marché se rétrécir plus ou moins vite. Acquérir les capacités de transformation et améliorer le taux de réussite des projets est un objectif urgent et obligatoire pour toute entreprise d’aujourd’hui.
Cette décision ne devrait pas pourtant être difficile à prendre car, au démarrage, elle ne nécessite pas d’investissements puisqu’il est d’abord question de personnes et de compétences. En outre, les compétences existent, mais sont morcelées selon les spécialités mobilisées dans le projets : architectes, chefs de projets, business analyst. Pour la transformation on a besoin de compétences plus larges et moins spécialisées : les architectes doivent avoir de larges compétences métier et des compétences de gestion de projet, les directeurs de programme doivent des compétences métier et qualité, les qualiticiens des compétences d’architecte et de management métier. Une fois installée, l’équipe de management de la transformation aidera l’entreprise à définir des trajectoires qui définiront le meilleur équilibre entre investissement et bénéfices, et il lancera les projets dans le contexte approprié à leur succès.
Ainsi les entreprises utilisant plus efficacement la ressource capital seront plus crédibles aux yeux des investisseurs de sorte qu’il sera plus facile pour elles d’en obtenir davantage. Ce cercle vertueux est l’amorce d’une économie efficace, capable de se transformer pour répondre aux questions qui se posent devant nous. L’erreur serait de freiner, de peur des conséquences sociétales, au contraire c’est une condition nécessaire pour trouver les réponses sociétales à la course contre les machines5 et 6 dans laquelle nous sommes engagés que d’autres appellent l’iconomie.
1Race Against The Machine: How the Digital Revolution is Accelerating Innovation, Driving Productivity, and Irreversibly Transforming Employment and the Economy –
Erik Brynjolfsson, Andrew McAfee
2Les prix augmentent mais la déflation se propage: Les prix augmentent, mais la déflation se propage (3’33 »)
Alexandre Mirlicourtois – Directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi
3Les 10 tendances de la transition numérique par Pascal Buffard, président du Cigref
439% des entreprises livrent régulièrement leurs projets IT en temps et en budget Forrester 2013
5L’iconomie pour sortie de la crise Christian Saint-Etienne