Nous savons depuis Bateson, Morin, Caseau, et d’autres… que les organisations d’êtres vivants sont des systèmes complexes, et parmi eux, l’entreprise. Comme l’expose justement Henri Atlan, ces systèmes ne sauraient être réduits à la somme de leurs composants : « Je ne dis pas que nous ne sommes que des molécules ! Je dis que nous sommes bien des assemblages de molécules, mais avec plusieurs niveaux d’organisation. Et ces niveaux d’organisation créent des propriétés irréductibles à celles des constituants. La propriété d’une cellule, qui est un assemblage de molécules, c’est d’avoir quantité de capacités que justement n’a pas chacune des molécules. Il y a plus dans l’assemblage que dans les parties ! »
C’est tout l’inverse de la proposition technologique qui se focalise sur la fonction avant l’organisation. La prospective d’une large automatisation des activités à court terme, basée sur des technologies qui dépasseraient l’homme, se fonde sur une comparaison purement fonctionnelle.
Cette même prospective portée à plus long terme, voit le transhumanisme, c’est à dire la migration de l’essence humaine sur une machine. Or, comme le rappelle Henri Atlan dans Humain : « Je soutiens pour ma part qu’il n’y a pas d’essence de l’homme, mais bien une place particulière de l’homme, de la même façon d’ailleurs que n’importe quelle espèce a sa place particulière. »
Ces niveaux d’organisation répondent à des sollicitations de tous types environnementales, structurelles, conjoncturelles, internes,externes… Ils apportent des avantages aux autres système autant qu’eux-même tirent avantage des autres.
Ainsi l’entreprise n’est pas une machine, elle peut avoir des réactions non prévues par les modèles mécanistes des cabinets de conseil.
Ci-après, un exemple pris dans l’actualité : « 80% des français ont rencontré des désagréments lorsqu’ils sont contacté un service client. » (IFOP : les français et les services client) Malgré les investissements importants des entreprises dans les technologies relationnelles avec les clients, le résultat n’est pas au rendez-vous car l’aspect organisationnel n’a pas été suffisamment pris en compte. C’est en substance ce que nous dit Philippe Bloch sur BFMTV.
- « Humain, une enquête philosophique sur ces révolutions qui changent nos vies », Flammarion, 2012
J’ai plutôt l’impression que ceux qui sont en charge de l’organisation sont souvent impliqués dans des luttes de pouvoir en considérant un écosystème statique. La technologie n’est pour eux qu’un gadget de plus, au plus un outil, mais lorsqu’elle a des conséquences organisationelle ils cherchent à la contraindre, la contourner, l’interdire. La technologie est un vecteur de reformulation des contraintes et contingences matérielles, or beaucoup d’entre nous préfèrent croire en une immuabilité et que l’efficacité d’une organisation se mesure objectivement, la technologie n’est pas en cause ici.