Il n’y aura pas d’industrie innovante, moderne, compétitive, sans une large adoption du lean management. En effet, celui-ci vise à canaliser l’intelligence collective de tous les acteurs et à la diriger vers les processus qui génèrent la valeur pour l’entreprise et son écosystème. Agile par nature, l’essence du lean management est le collectif humain, c’est en cela qu’il se distingue des démarches de management traditionnelles occidentales.
L’Europe, et a fortiori la France, font face à un défi industriel formidable, elles doivent faire pivoter leur modèle afin de s’engager dans la voie étroite bordée par la transition énergétique et les innovations digitales. Les positions passées, acquises de haute lutte, sont menacées dans tous les domaines. Dans le domaine automobile, par exemple, où les industriels de la vieille Europe ont des positions de premier plan, un acteur comme Tesla, en misant sur la combinaison de la voiture électrique et du digital, a changé en quelques années les règles du jeu et s’est hissé niveau des grands constructeurs mondiaux. Il fait de même dans le domaine spatial.
Sans une mobilisation forte de l’intelligence collective, la transformation de modèles de production ne touchera que quelques îlots d’excellence qui, dans des écosystèmes dégradés, subsisteront avec de grandes difficultés.
La réussite du lean management suppose d’accorder une grande autonomie aux acteurs afin qu’ils contribuent aux diagnostics des problèmes et à leur remédiation. Cela suppose une excellente maîtrise de la diffusion des données et de leur qualité, certains nomment cela le Lean Data.
La première préoccupation du lean management est l’identification des value streams, c’est à dire les processus qui créent la valeur de l’entreprise. L’exemple ci-après présente la démarche appliquée aux processus de gestion des ressources humaines. Les value streams sont organisés de bout en bout selon les livrables qu’ils produisent pour l’entreprise. Pour chaque value streams on identifie les données nécessaire à l’exécution et au pilotage de l’activité. Les entreprises ne sont pas toujours, ni souvent, organisées suivant ce principe. Le préalable à la mise en oeuvre du lean management est un remodelage des processus, remodelage qui peut être progressif.
Une fois les value streams définis, il faut s’organiser pour les réaliser. A chaque value streams est affectée une équipe au sein d’une cellule autonome qui représente l’entreprise à petite échelle, c’est à dire qu’elle a à sa disposition les mêmes services que l’entreprise dans son ensemble, les services de support, Gestion des ressources humaines, compta/finance, achat sécurité, et les services de pilotage, conduite, maintenance, pilotage.
Bien entendu, elle ne produit pas elle-même ces services, ce sont les cellules en charge des value streams correspondants qui le font. Sa responsabilité s’exerce sur le value stream qui lui est affecté. Elle gère la backlog des demandes et, est légitime pour en réorganiser les priorités, en toute autonomie, afin de traiter un événement imprévu. C’est un des mécanismes qui produit l’agilité du lean management.
Une fois les values streams définis et les cellules organisées, la coordination de l’ensemble est basée sur la circulation des données. Les données qui composent les livrables, les données des services de support et de pilotage. Chaque cellule doit pouvoir spécifier les exigences de qualités et de sécurité des données qu’elle consomme et collecter les exigences à propos des données qu’elle produit.
Une cellule dédiée à la connaissance des données doit produire les services de référencement des données conformément aux bonnes pratiques, c’est à dire permettant une continuité entre le glossaire métier porteur du sens des données et les meta-data qui documentent leurs représentations techniques. D’autres cellules spécialisées doivent se charger des services de gestion de la qualité, profilage et mise en qualité.
Le management des données au sein d’une démarche lean data doit à la fois se baser sur des orientations intentionnelles provenants du haut de l’entreprise et sur les apports de chaque cellule, en provenance du terrain. Il peut arriver, dans ce mode de fonctionnement, que des données métiers soient créées au niveau local et reprises au niveau global par la cellule de référencement.
La circulation des données basée sur des services de type open est aussi un facteur d’agilité. En effet, ce sont des services orientées consommateurs qui, prenant en compte le contexte d’utilisation, contribuent à l’efficacité des usages. L’agilité exige aussi un fonctionnement des cellules en continu, seul compatible avec une orientation événementielle, sous peine qu’une seule d’entre elles, produisant à horizons fixes, bloque ou ralentisse la totalité de l’ensemble.
Les technologies d’OpenAPI et de microservices permettent de concevoir des solutions adaptées à ce type de fonctionnement, qui sont développées en appliquant les mêmes principes, appelé Lean IT.
Le lean management est la démarche incontournable pour transformer le modèle industriel de l’Europe et de la France. Il permet :
- l’intégration efficace des biens et des services pour répondre aux exigences d’usage des consommateurs et des clients,
- d’incorporer plus facilement les innovations
- d’être opérationnellement agile
- d’innover en mobilisant l’intelligence et la créativité de tous les acteurs
- d’installer un coopétition plutôt qu’une compétition
Cette démarche de management ne pourra se généraliser sans une excellente maîtrise de la diffusion et de la qualité des données, et de leur valorisation pour piloter et prendre des décisions de manière autonome.