L’art de la guerre! Quelles relations peut bien avoir cette thématique avec le domaine des SI ? Au cours d’une période de vacances, consacrée à la réflexion sur la Gestion de Projet, cet opuscule, économe de moyens, mais redoutable d’efficacité, a constitué une toile de fond enrichissante et productive.
Je suis très heureux d’avoir acquis l’édition faite en collaboration avec l’Institut des Stratégies Comparées (Edition Economica). Elle place l’ouvrage de Sun Zi dans le contexte des questions stratégiques actuelles, et permet à un lecteur non averti d’en comprendre l’originalité et les apports.
D’emblée, je ne me suis proposé de déplacer le cadre du monde militaire vers celui de la Gestion de Projet. En effet, les similitudes sont frappantes :

  • Un projet s’inscrit au sein d’une politique : réduction des coûts, satisfaction des utilisateurs, avantage concurrentiel, délai, évolution technologique. Le projet doit définir des buts qui permettent de réaliser les objectifs politiques qu’on lui a assignés. Je me souviens d’un projet où ma société était en concurrence en tant que sous-traitant. J’avais questionné le responsable commercial du compte sur ses objectifs politiques, il m’avait jeté un regard effaré et répondu : « il faut livrer le projet ». Je compris alors qu’en l’absence d’objectifs politiques, je ne pouvais pas réussir. Heureusement, ma société n’avait pas été retenue.
  • Fort de cette politique, il est nécessaire de définir des buts et une stratégie pour les atteindre. C’est l’objet du plan de projet.
  • Au sein de cette stratégie, pour chaque phase de projet, il est nécessaire de maîtriser les technologies performantes et de réaliser des combinaisons de moyens qui permettent d’atteindre les buts désignés. C’est équivalent à l’opératique et à la tactique de l’art militaire.
  • Enfin comme support, il est nécessaire de disposer d’une logistique efficace qui permette d’acquérir de recruter et de déployer les moyens en ligne avec les tactiques adoptées.

La gestion de projet n’est pas la guerre. Cependant elle s’inscrit dans un réseau de conflits qui doivent être résolus par une négociation permanente. Les principes de Sun Zi s’appliquent alors de la même manière que pour les conflits militaires, par exemple :

  • « Il ne faut pas livrer bataille à un ennemi acculé », de même il n’est pas bon de négocier avec un interlocuteur acculé, souvent on en tire rien. Cependant en lui ménageant une porte de sortie, on a la possibilité de le conduire vers la solution envisagée.
  • « Il ne faut pas livrer bataille en étant soi-même acculé », de même il n’est pas bon d’être acculé soi-même lorsque l’on négocie car on n’a d’autre issue que d’imposer sa vision.
  • « Dans le cadre d’un conflit militaire, il faut marier les avantages d’une stratégie directe et indirecte », de même, dans une négociation, il ne faut pas s’attacher qu’à la force du fond, mais également à la forme, aux négociations passées et à venir, à la personnalité des négociateurs et à leurs buts personnels.

Au-delà de ces principes pratiques, intelligents, marqués au coin du bon sens, l’opuscule de Sun Zi est une invitation à la réflexion sur le management, d’une armée en campagne puisque c’est son sujet, mais également d’une entreprise voire d’un ou plusieurs grands projets. D’abord Sun Zi rappelle que la guerre est une affaire sérieuse, où il est question de vie ou de mort. De même, l’issue de certains grands projets peut mener à la disparition d’une ou plusieurs entreprises.

Quels sont les éléments importants d’appréciation pour Sun Zi ?

  • La vertu du souverain qui le conduit à avoir le soutient du peuple, de même le charisme et les qualités du chef d’entreprise déterminent la motivation des employés.
  • Le climat. Est-ce que les éléments sont favorables ou défavorables ? S’agissant d’un projet, le contexte socio-économique peut représenter une difficulté supplémentaire importante.
  • Le terrain. Est-ce que le terrain des hostilités est favorable ? S’agissant d’un projet, est-ce que le domaine est propice, est-ce le client maîtrise le mode projet ?
  • Le Général ? Est-ce que le Chef de Projet est à la hauteur des enjeux du projet ?
  • La méthode ? L’efficacité de la méthode pèse sur l’issue de la guerre, comme l’efficacité de la méthodologie sur l’issue des projets.

Cependant, au travers de la hiérarchie que propose Sun Zi, on comprend que la guerre est d’abord une affaire d’hommes, et de méthode ensuite. On ne peut gagner la guerre sans un bon général, même avec une armée bien équipée. De même on ne peut réussir un projet sans un bon Chef de Projet. La capacité à évaluer une situation, à en saisir les risques et les enjeux, à décider promptement et à passer à l’action, sont également des qualités indispensables au Chef de Projet. Comme le général, le Chef de Projet doit faire preuve de sagesse (savoir et expérience), être capable de démêler une situation complexe, de la simplifier et de mener son équipe vers la solution.
Si le management de projet s’appuie sur une organisation qui permet à des hommes de communiquer et d’opérer ensemble, il doit considérer que l’organisation à elle seule n’est rien, ce sont les qualités des hommes qui mènent à la réussite.
Sun Zi insiste sur le degré de préparation : la méthode adoptée par le Général en Chef doit faire en sorte qu’à chaque bataille l’armée soit prête. Afin que la préparation soit efficace, il est nécessaire de connaître son ennemi avant de se connaître soi-même. Ainsi, l’efficacité du renseignement est un aspect vital au cours d’un conflit armé.

La même chose vaut pour les projets, où la méthodologie adoptée doit permettre aux équipes d’aborder avec la préparation nécessaire chaque phase du projet. La connaissance du client est, là aussi, un aspect essentiel pour l’élaboration, la planification et la bonne fin des projets.

Sun ZI explore d’autres aspects de l’art militaire tels la logistique, l’opératique et la tactique. Sur chacun de ces points, un parallèle peut être fait avec la conduite de projet.

En résumé, l’essentiel de son message porte sur :

  • La réflexion stratégique
  • La capacité à s’adapter aux circonstances,
  • Le choix des hommes,
  • La préparation et l’organisation,
  • La connaissance de son adversaire

C’est un message éminemment moderne qui peut s’adresser au management des entreprises emportées dans un environnement économique fluctuant et compétitif. Il peut s’adresser également aux Chefs de Projets en charge de conduire le changement au sein des entreprises à un rythme de plus en plus soutenu, en maîtrisant des risques de plus en plus complexes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *