La formation du prix des biens et des services est un mécanisme économique essentiel, car, non seulement, il détermine la richesse, en valorisant les biens et les services échangés, mais aussi la valeur des surplus que les acteurs dégagent de leurs activités grâce aux gains de productivité. Forts de ce supplément de pouvoir d’achat, les acteurs économiques peuvent espérer, pour un meilleur bien-être, satisfaire de nouveaux besoins et stimulent, par voie de conséquence, l’innovation. Nous avions évoqué cette dynamique dans un post précédent : les gains de productivité.
Pour la théorie économique moderne, le prix est un signal, une information sur laquelle chaque acteur se base pour adapter sa production. Cette définition théorique défie la réalité, puisque, en grande partie, les prix sont établis par la négociation de gré à gré et ne sont pas rendus publics. L’histoire de la formation des prix est très bien résumée dans « The Oxford Handbook of Pricing Management« . Jusqu’au XIXème siècle, ils sont négociés, chaque prix est la résultante du prix du bien ou du service acquis complété du coût de la transaction dû aux coûts de logistique et de paiement. Si des prix de référence circulent, c’est par le bouche-à-oreille, au sein de cercles informés. La fixation des prix préalablement à la vente apparaît et se généralise à partir du milieu du XIXème siècle. Elle fut, pour les entreprises de vente au détail et de distribution, une innovation qui facilita les transactions avec les consommateurs, et permit l’apparition des grands magasins. Elle se généralisa ensuite aux transactions entre entreprises.
Avec ce nouveau système, le prix est fixé par le vendeur, l’acheteur n’a que la possibilité de différer son achat ou d’acheter le même bien à un autre vendeur pour un meilleur prix. Il revient au vendeur de moduler son prix pour vendre sa production dans un temps donné. Le système des prix préalablement fixés, transparents, semblent rééquilibrer le rapport de force en direction de l’acheteur qui est souvent un consommateur final. En vérité, il n’en est rien. Les filières se sont structurées, pour certains biens, des teneurs de marché, s’assurent le maintien de prix élevés ou bas. Le choix des consommateurs est limité, d’autant plus qu’ils n’en ont aucun, s’agissant des biens et services vitaux, ils doivent les acheter. Pour certains marchés, le consommateur est le vendeur, par exemple, le « marché du travail » ou « l’immobilier », sur ces marchés, l’asymétrie des informations entre entreprises et consommateurs jouent en leur défaveur, et certaines entreprises maintiennent des prix bas ou élevés selon les professions et leurs intérêts.
Ainsi, les surplus des gains de productivité de l’ensemble de l’économie, sont captés par une partie des entreprises, et se retrouvent dans leurs comptes de résultat. L’affectation du résultat à l’autofinancement et la volonté d’innover des entreprises sont déterminants pour l’adoption et la diffusion des innovations.
En effet, rares sont les innovations dont l’adoption reposent sur le consommateur, car elles requièrent d’atteindre très rapidement un niveau d’industrialisation élevé afin de baisser drastiquement leurs prix. Ce fut le cas du téléphone mobile, s’il en avait été autrement, il serait demeuré l’attribut d’une élite sociale. Les précédentes innovations, à commencer par la Ford T, en passant par la machine à laver ou la télévision, ont bénéficié, pareillement, d’un modèle industriel qui a rendu leur prix abordable pour toutes les catégories sociales de consommateurs finaux.
Ainsi, l’entreprise est le vecteur principal du développement et de l’adoption des innovations dans les sociétés modernes. Elle doit y consacrer les surplus dus aux gains de productivité qu’elle capte. Pourtant, ce n’est pas le cas général. En effet, la plus grande part de l’investissement provient de l’autofinancement, c’est-à-dire l’investissement généré par les entreprises elles-mêmes. Les actionnaires ne sont pas des investisseurs, ils n’ont fait qu’acheter à d’autres actionnaires, le droit de percevoir une partie des dividendes. L’entreprise n’est pas concernée par ce type d’opération, ou plutôt si, puisque, lors de la distribution des bénéfices, ceux-ci préfèrent souvent se verser des dividendes qui finissent dans l’achat de biens immobilier plutôt que de les réinvestir dans leur entreprise.
Cela a été le cas, en Europe et en France, pour la transformation numérique, alors que les champions américains, eux, choisirent, dès leur création, de réinvestir la totalité de leurs bénéfices dans leur entreprise. De ce fait, ils se sont développés à une vitesse que les entreprises européennes n’ont pu et ne peuvent toujours pas égaler.
Ces analyses aident à jeter quelques bases de réflexion pour projeter les développements de la transformation écologique en cours. Puisque on tourne le dos aux entreprises, on met beaucoup d’espoir sur l’argent public comme source de financement des innovations climatiques. Non seulement, à terme, cela va mener à augmenter les prélèvements obligatoires, mais aussi, comme l’état est un mauvais acteur pour structurer les activités économiques, une formation des prix, inefficace, et qui se fera au détriment du client, consommateur final.
L’inflation actuelle qui touche l’énergie et l’alimentaire, préfigure les coûts croissants que ce dernier devra supporter. Ils toucheront fortement les classes moyennes et seront difficilement intolérables pour les moins riches.
Que faut-il donc faire ? Il faut remettre l’entreprise au centre du processus économique d’innovation. C’est essentiel pour que l’économie reprenne le chemin du bonheur des hommes et des femmes. Ce sera l’occasion d’un prochain post.
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