On sait que le principal des émissions de CO2 provient de la fabrication des systèmes, appareils, machines de toutes sortes, et encore, je n’inclus pas les autres polluants que ces processus industriels libèrent. Pour les ordinateurs et les mobiles, c’est 70%, pour les voitures, c’est à peu près pareil.
D’autre part, on ne cesse d’entendre ou de lire l’urgence de relocaliser les processus industriel, pour, dit-on, réduire notre dépendance à la Chine. Le récent ouvrage de Nicolas Dufourq est un brillant plaidoyer d’une capacité qui ne demande qu’à être sollicité.
Il n’est nul besoin de développer le caractère masochiste de telles injonctions contradictoires. Nous vivons dans une économie de production, l’industrie, qui, pour prospérer, doit produire, tandis que nous, devons consommer. C’est à tort que l’on stigmatise la société de consommation, alors que nous sommes dans une économie de production qui ne cesse de développer l’offre.
Si l’on s’essaie à mettre un peu de rationalité dans cette approche, et de résoudre cette contradiction délétère, on peut convenir que l’enjeu est de prolonger au maximum l’usage d’un système, d’un appareil ou d’une machine. Comment y parvenir ? Hé bien, en réalisant la bascule, la transformation de cette économie de production vers une économie d’usage.
Dans une économie de production, la marge de l’entreprise augmente en fonction du nombre de biens produits, et donc de systèmes fabriqués, tandis qu’en économie d’usage qui repose fondamentalement sur une économie de services, la durée du bien ou du système accroît la marge du fournisseur de services.
Parvenu à ce point, on peut, d’ores et déjà, constater que, dans ce contexte, l’orientation vers les services prise par la France des années 70 s’avère soudain un avantage, et que les avocats de l’industrialisation qui plaident pour le développement d’une économie de production se révèlent être à contre-courant.
Comment procéder à une transformation qui, en réalité, est très radicale ? L’économie de l’usage est une économie qui mobilise des compétences encore plus pointues que l’économie industrielle. Elle repose sur le savoir-faire d’opérateurs qui devront vendre l’usage de systèmes, appareils ou machines, et s’engager sur le service et les bénéfices qu’ils fournissent. Ils devront guider les producteurs pour adapter leurs produits, leurs méthodes de fabrication et de design.
D’autre part, si les consommateurs ne sont pas incités à se tourner vers ces opérateurs, la dynamique ne prendra pas. Dans ces conditions comment procéder ? En taxant l’acheteur, selon la durée d’utilisation de son système, appareil ou machine précédent, on l’incite à le conserver le plus longtemps possible, et, pour y parvenir, il sera enclin à contractualiser avec un opérateur qui, grâce à son expérience, pourra lui fournir ce service et l’abstraire d’acquérir un bien dont il ne va pas savoir gérer la durée de vie.
Il en résultera que soit les industriels se restructureront pour devenir eux-même des opérateurs, soit ils devront dépendre d’opérateurs qui joueront le rôle d’intermédiaires avec leurs clients. Cette approche transformera profondément le système de production, car les biens devront durer et retarder leur obsolescence. Les chaines de valeurs industrielles évolueront, le poids se portera davantage sur l’usage que sur la production.
A titre d’exemple, la voiture autonome sera une voiture partagée, elle ira chercher les usagers à la demande, elle sera partagée entre plusieurs usagers et roulera toute une journée, au lieu de rester au garage, comme les voitures le sont actuellement. Cette approche changera la dépendance à l’usine chinoise qui a trouvé son importance dans l’économie de production.
Il est évident que l’idée de taxer les biens en fonction de leur durée d’utilisation entrave les accords de libre échange internationaux. Sans une puissance politique comme l’Europe, cette bascule ne peut être envisagée.
Elle doit être réussie car elle représente l’avenir de l’occident, mais aussi un train de développement à prendre par les pays émergents, vis à vis de pays très engagé dans une économie de production qui ne répond plus aux besoins de la planète.